Vis ma Vie de Forestier – Bûcheron

par | Sep 4, 2023 | Uncategorized | 0 commentaires

Le métier de Forestier-Bûcheron est en perte de vitesse. Exposant les professionnels à des conditions de travail difficiles, parfois rudes, il intéresse de moins en moins les jeunes générations. Rencontre avec Blaise Vallat, Forestier-Bûcheron dans la région de Bressaucourt, enseignant à ForêtSuisse, maître d’apprentissage, expert et entrepreneur – un homme inspiré depuis son enfance par les esprits de la forêt.

Texte et image Pablo Davila

Le Mag’ – Quand avez-vous commencé à vous intéresser à ce métier ?

Blaise Vallat – Je ne sais pas. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours voulu devenir Forestier-Bûcheron. Mon arrière-grand-père travaillait déjà dans les forêts par ici, et je suis tombé amoureux du métier grâce à mon grand-père, qui m’emmenait souvent avec lui dans la nature. Vers sept ou huit ans, j’allais avec mon petit vélo jusqu’à la lisière de la forêt pour regarder les troncs coupés et empilés. Je ramassais les copeaux et les mettais sur mes chaussures, et en rentrant je disais à mes parents :  »J’ai aidé les bûcherons !  ». Cette passion ne m’a jamais quitté.

À quoi est liée cette passion ? À l’amour du bois en tant que matière, à l’amour des arbres en tant qu’êtres vivants?…

C’est le fait de travailler dans la nature qui me plaît. La forêt est un espace de liberté à ciel ouvert, un immense jardin, elle donne toujours cette impression d’être sans limite. Et puis c’est de là d’où nous venons. Ce qui me plaît aussi, c’est de prendre soin de notre forêt. Et de couper un arbre en me disant : voilà, ce bois va servir à faire des tables, ou à construire la charpente pour une maison. En même temps, on voit ces jeunes arbrisseaux hauts comme ça, et on se dit qu’on va laisser ce petit arbre pour qu’il serve dans un siècle ou deux… Nous avons une grande responsabilité par rapport aux générations futures.

Vous êtes-vous lancé dans un apprentissage dès que possible, ou avez-vous d’abord suivi une autre formation ?

Oh non, je n’ai pas hésité, tout était clair. J’ai démarré mon apprentissage vers mes quinze ans, au canton comme on dit, à Porrentruy, et trois ans plus tard, j’avais mon CFC de forestier-bûcheron.  »Forestier-bûcheron » est d’ailleurs l’appellation correcte de ce métier, c’est un détail auquel je tiens beaucoup. Il y a encore un demi-siècle, on parlait seulement de  »bûcherons », mais plus tard, le mot  »forestier » a été ajouté pour bien préciser que notre travail se déroule spécifiquement en forêt.

Quel a été votre parcours avant de devenir indépendant ?

J’ai passé huit ou neuf ans en entreprise privée avant de retourner au canton durant cinq ans, pour enfin pouvoir me former dans l’instruction des apprenti(e)s. J’ai un diplôme d’instructeur auprès de Forêt Suisse, ce qui me permet de donner des cours dans toute la Suisse romande et d’être expert lors des examens de fin d’apprentissage. J’enseigne pour les cours inter-entreprise les branches pratiques dans les cantons du Jura, de Neuchâtel, du Valais et de Fribourg. C’est une activité intéressante, parce que ça me permet de bouger et d’évoluer avec d’autres façons de travailler, il y a toujours à apprendre des autres. Une fois que j’ai terminé cette formation, je me suis associé avec mon petit-cousin David Bigler pour lancer notre entreprise en SARL (cf. liens). On s’occupe de la foresterie et du paysagisme, et nous formons des apprenti(e)s.

Quelle est la répartition hommes-femmes dans le métier ?

Les femmes commencent à arriver sur la plateforme des forestières-bûcheronnes. Nous avons formée d’ailleurs la première forestière-bûcheronne du canton du Jura, Margot Jallon. Après son CFC, elle s’est lancée dans une formation de garde-forestière. Elle aborde actuellement ses examens finaux, et elle a déjà trouvé une place de travail dans notre canton.

Quelles sont les aptitudes qu’il faut posséder pour devenir forestier-bûcheron ?

Il faut être passionné. Parce que c’est un métier pour passionnés. On ne peut pas se lancer en pensant :  »Bah, je vais essayer de décrocher le CFC et puis on verra bien ». On tombe amoureux du métier, le plus souvent avant la formation déjà, dans le cas contraire, il faut avoir un intérêt très marqué dès le départ. Durant l’apprentissage, le rôle du formateur est important : si votre intérêt est marqué, il vous communiquera sa passion, et vous fera vraiment crocher. Plus tard, votre passion doit rester inchangée, parce que vous ne faites pas ça pour l’argent et que souvent, les conditions de travail sont pénibles.

Parfois, ça fait mal au cœur de voir de très vieux arbres abattus alors qu’ils étaient encore en pleine santé. Que ressentez-vous quand vous devez couper un arbre vieux de plusieurs siècles ?

C’est un honneur pour moi de couper un tel arbre. (silence) Il y a deux façons de considérer ce métier. Soit, vous regardez la chose avec un œil écologique, et vous hurlez en voyant un de ces géants tomber, en vous disant que c’est du n’importe quoi – ce qui n’est pas faux, parce que sans l’être humain notre planète se porterait dix fois mieux, soyons clairs. Mais vous pouvez aussi songer qu’on nous a confié un immense jardin. Et que, pour pouvoir habiter dans une maison, avoir une table ou un simple bâton en bois, nous avons besoin de la matière première provenant de ce jardin. Personnellement, je préfère couper un chêne de deux-cents ans chez nous, plutôt que d’importer du bois provenant de Chine p. ex. En Suisse on gère la forêt, on en prend soin. Est-ce que c’est le cas ailleurs ? Nous, quand on coupe un arbre, on le fait avec respect. On va faire une belle souche, on va prendre le temps de l’abattre proprement, et on a une pensée forte pour l’arbre qu’on va abattre…une sorte de respect. C’est ça qu’il faut avoir au fond de soi quand on est forestier-bûcheron. Un profond respect des arbres, petits ou grands.

Transmettez-vous cette sensibilité si particulière à vos élèves ?

Bien sûr, oui. Si vous dites à un apprenti :  »Vas-y, coupe du bois! » sans lui amener cette sensibilité-là, il ne respectera ni les arbres, ni l’environnement. Il deviendra comme on le dit vulgairement  »un coupeur de bois » qui travaillera à la va-vite. Quand on abat un arbre de trente mètres au fond de la forêt, dont le tronc fait un mètre de diamètre, il suffit d’un centimètre d’écart au fond de la souche pour avoir un écart de trois mètres à l’autre bout quand il tombe, fracassant de jeunes arbres précieux. Il faut faire attention au rajeunissement de la forêt, et donc travailler consciencieusement. Mais ce n’est pas seulement aux apprentis qu’il faut expliquer tout ceci, c’est aussi de faire passer le message au générations futures ! Une personne qui se promène dans une forêt qu’elle connaît depuis vingt ans et qui soudain voit un immense trou, sera horrifiée. Et c’est bien normal. Si on n’informe pas les gens par un moyen ou un autre, ils s’énervent et nous traitent de  »massacreurs de forêts ». Vous ne pouvez pas vous imaginer combien de fois on se fait interpeller alors que nous sommes au travail.

Qui choisit les arbres qui seront abattus ?

Les gardes-forestiers. Ils ont un rôle de gestion, ils gèrent un patrimoine. Ils sont un organe de contrôle, les  »policiers de la forêt » engagés par les communes. En règle générale le marquage des arbres ne se fait pas au hasard. Un garde-forestier sait très bien pourquoi il va prendre cet arbre-là et non un autre. Ensuite, il va mandater une entreprise agréée pour faire le travail dans les règles de l’art. Je précise que le garde-forestier n’a pas le droit de faire prélever un volume supérieur à celui de l’accroissement. On ne peut donc pas surexploiter la forêt en Suisse, et ça, c’est la manière de faire dans notre pays.

Comment voyez-vous l’avenir du métier ?

Ce que l’on constate, c’est un manque d’intérêt croissant, dû au fait qu’il s’agit d’un métier rude parfois. C’est un vieux métier, il n’est pas  »avant-gardiste ». Il y a une dizaine d’années, dans nos régions, on avait une moyenne de dix ou douze apprentis par année. Dans les années 1980, ils étaient le double. Mais depuis six ans, nous avons de toutes petites volées de quatre à six apprentis seulement. Sur ces quatre à six apprentis forestiers, un(e) seul(e) va continuer, ou rester dans notre région, qui plus est à temps partiel. En tant qu’entrepreneurs, nous devons nous adapter à la situation. Cela dit, le métier en lui-même a de l’avenir. Je suis un convaincu des circuits courts, écologiquement préférables, qui nous permettent de travailler  »local » et de bien vivre dans sa région. Je pense qu’il faut revenir aux valeurs locales, qui sont saines, au lieu d’avoir comme premier réflexe de vouloir regarder ailleurs.

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